Pour un disque spécial, en voilà un des plus particuliers. Dix titres. Dix artistes d’horizons divers et variés. Dix remixes d’un même morceau.
Sur le papier rien qui ne permette de se faire une idée de ce qui nous attend, si ce n’est ce pressentiment que tout ça risque d’être quelque peu décousu. Difficile au premier abord d’imaginer que cela puisse en être autrement quand on sait que le foisonnement et la confrontation d’idées sont les maîtres mots, les bases fondatrices de ce collectif slovène.
Neuf artistes issus pour la plupart de la musique expérimentale et associés sous les couleurs de PureH dès le milieu des années 90, produisant depuis lors pour le label PharmaFabrik une I.D.M. toute singulière (essentiellement organique), enrichie des expériences de chacun, teintée d’une bonne dose de psychédélisme.
Anadonia sera l’aboutissement dix plus tard de cette démarche, le premier opus avec la formation actuelle, d’où est extrait Signia, morceau d’ouverture littéralement habité, humide et sombre.
Signia qui constitue donc l’artère centrale de ce nouveau projet, lui donnant son nom et son essence, qu’une flopée d’artistes, aussi éclectiques dans leur approche de la musique que le sont les 9 de PureH, vont s’escrimer à décliner, torturer, mélanger pour en extraire leur propre épure.
Restait à collecter ces visions et donner une cohérence au patchwork. Prendre le mot “album” à la lettre. Ouvrir cette fenêtre unique à travers laquelle les vues et perspectives diffèreront. Et l’inconvénient pressenti, de devenir un véritable avantage, quand après plusieurs écoutes, on finit face à cette conception de l’électro, qu’on aime retrouver : plurielle et innovante.
L’effet “bordélique” évité, et mis de côté quelques longueurs, on peut reconnaître là une réelle réussite. Un succès qui tient pour beaucoup à la “plasticité” étonnante du titre originel.
Comment expliquer sinon – et sans vouloir bien sûr minimiser le travail des remixers – avoir pu voyager près de quatre-vingt minutes, dans un même véhicule, d’une forêt hantée de mille voix (Vision Rising d’Eraldo Bernocchi guitariste italien croisé chez Bill Laswell et Thomas Felhmann de The Orb) au cœur d’un pays dévoré par ses propres démons (Ukwakha du sud-africain compagnon de label Chris Wood et son click’n’cut ensorcelé) ou par une guerre sans raison (Enslaved, sombre et cinématique version de Dj Surgeon)?
Comment envisager autrement cette alternance de changements d’état? Du plus solide et palpable (l’illbient urbaine et rampante du H Light de l’allemand Wodan) aux abstractions les plus insondables (Live Farce des japonais de Psychedelic Desert, morceau fleuve qui s’écoule entre drones et carillons mystiques) et imparables (le très inquiétant Blue Waters Turn Black de P.C.M. et son final drum’n’bass démoniaque). En passant par quelques liqueurs improbables (l’euphorisant et naïf Lazy Sunday de Moshang, énorme bulle d’air multicolore) et malheureusement parfois dommageables (l’éreintante conclusion de K.K. Null et son dissonant Pagan).
Et finalement, comment alors ne pas penser aux sept autres morceaux d’Anadonia ? Auraient-ils les mêmes potentialités, seraient-ils à ce point malléables que l’avenir discographique des Slovènes serait bel et bien balisé ?
Mais une chose nous dit que les PureH ne sont pas de ceux qui reprennent leurs traces. Et 2008 pourrait nous réserver quelques surprises. A suivre donc…
le 19/12/2007